Pensée créatrice
La pensée est créatrice par nature. La pensée est un acte dont la réalisation est plus ou moins différée : elle peut être concrète et immédiate dans ses applications mais aussi plus large et à longue échéance dans ses matérialisations.
Nous dirons simplement que la pensée peut être mémorielle, réflexive, inventive et que dans cette progression, elle se complexifie et se libère graduellement de la personne qui lui a donné naissance.
L’homme utilise toutes les formes de pensée.
On confond fréquemment optimisme et positivité ; cette confusion ne va pas sans inconvénients.
Etre optimiste, c’est estimer que seul mérite attention ce qui est « bien » ; c’est refuser de voir le « mal ».
Etre positif, c’est voir le bon et le mauvais avec une égale attention, c’est vouloir rester en liaison avec les faits tels qu’ils sont et tels qu’ils se présentent. Alors que la pensée optimiste se nourrit aisément d’illusions, la pensée positive veut être juste et vraie. Elle veut rester aussi proche que possible du réel. Mais il ne faut pas oublier que ce réel est à la fois matériel, moral et spirituel.
La pensée négative, elle, s’attache à ce qui manque, à ce qui est absent ; elle affirme cette absence plus qu’elle ne tente d’y suppléer.
Celui qui pense négativement pense à ce qu’il n’a pas, à ce dont il se sent privé, aux agréments dont il est frustré. Cette pensée négative est stérile.
Celui qui pense positivement considère ce qu’il a et ce dont il peut faire usage, ce qu’il peut acquérir par des voies habituelles ou exceptionnelles, ce qui mérite d’être obtenu. Cette pensée est féconde et ne s’écarte pas d’une vision objective des faits.
Ces rapides définitions ne signifient pas que la pensée négative est un « mal » qui s’oppose au « bien ». En électricité, le pôle positif est-il « meilleur » que le pôle négatif ? Mais de même qu’il est nécessaire de brancher les fils convenablement, en connaissant le caractère du courant qui passe, de même aussi convient-il de manœuvrer avec justesse en maniant la pensée.
On ne prend conscience d’une qualité qu’après avoir préalablement pris conscience de son absence, de son défaut. Aucune œuvre ne s’accomplit jamais sans avoir été préalablement l’objet d’une constatation d’absence. On ne va acheter du pain à la boulangerie que si l’on a constaté ne pas en avoir à la maison.
La pensée négative est donc la première, celle qui surgit le plus aisément. Puis vient la pensée positive. Elle naît en présence d’une pensée négative. Cette dernière est comme l’indispensable électron d’un courant électrique. Mais lorsque la pensée négative ne fait pas naître une pensée positive, elle reste stérile.
Le dynamisme de la pensée apparaît ici clairement. La pensée négative, la plus naturelle des formes de nos pensées, sert au surgissement des pensées positives qui, elles, sont fécondes et créatrices. Il importe donc d’accueillir les pensées négatives (et non de les chasser comme on le pense généralement) puis d’en extraire le positif auquel elles conduisent ; elles s’évanouissent alors pour renaître à quelque niveau supérieur et y déclencher de nouvelles pensées positives.
Penser positivement, c’est penser juste ; c’est ne pas chasser les pensées négatives ; c’est prendre élan à partir du négatif pour œuvrer, construire, avancer.
Penser positivement, ce n’est pas approuver ou réprouver, c’est transformer ce qui est en ce qui devient.
Penser positivement, c’est vivre une vie meilleure.
M.-A. Rohrbach (Extrait de « Devenir Humain » n° 3/1959)