SENS et PORTEE de la VIE SPIRITUELLE
Chers amis, nous terminons une session pour aller vers d’autres, comme nous terminons une journée pour aller vers d’autres. Chaque session et chaque journée a son sens et sa signification, du moins nous avons à les leur donner ; elle doit faire office de pont, afin que le lendemain soit meilleur, plus utile, plus valable que ce qui a été réalisé jusqu’à maintenant.
C’est là la tâche même de l’homme, le sens et la portée de sa vie spirituelle.
Au cours de la session, nous avons vécu évidemment avec intensité et beaucoup de joie les valeurs de la vie fraternelle, nous avons tenté de nous cultiver, de mieux connaître les problèmes du monde et ce fut un enrichissement magnifique. Mais cet enrichissement par lui-même n’a pas de valeur, n’a pas de sens, s’il n’a pas de portée, c’est-à-dire s’il ne conduit pas à quelque chose – et conduire quelque chose d’un point à un autre c’est spécifiquement la vie spirituelle.
J’ai eu l’occasion de vous montrer comment la Genèse, comporte deux récits : l’un, celui d’Elohim, le récit disons scientifique, qui part de la notion d’Unité et de Lois universelles, et qui donne de la Création une image, une émanation, une chronologie, celle-là même à laquelle la science est arrivée actuellement, et l’autre, le deuxième récit, le récit du Yahviste, qui ne suit pas cette chronologie, et qui est très visiblement préoccupé de l’homme, de l’être humain et qui veut donner à cet être humain le sens de son orientation, de sa raison d’être. Ce récit métaphysique, moins scientifique avec sa préoccupation de l’être humain, apparaît, dès les premiers passages du récit de la création :
« Au jour où Yahvé finit la terre et les cieux, il n’y avait sur la Terre aucun buisson des champs ; aucune herbe des champs n’avait encore germé car Yahvé n’avait pas encore fait pleuvoir sur la Terre. »
C’est une première étape, et voici la suite :
« Alors Yahvé forma l’homme à partir de la poussière provenant du sol, et il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint âme vivante. » C’est l’affirmation immédiate de l’homme. Il a donc commencé par créer l’homme, et dit ensuite : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je veux lui faire une aide qui soit semblable à lui. »
Il n’a pas fait la femme tout de suite comme on le croit : « Alors Yahvé forma du sol tout animal des champs et tout oiseau des cieux et il les amena vers l’homme pour voir comment il les appellerait. »
Voyez ! la préoccupation pour l’homme est là, immédiate. Yahvé crée, non pas l’univers dans son ensemble, mais dans la relation, dans la reliance entre l’être humain et l’Etre Universel. Il est décrit comme créant l’homme d’abord et se préoccupant de donner à l’homme la compagne vivante dont il avait besoin afin qu’il règne sur les êtres vivants, qu’il les dénomme, et qu’il soit ainsi le plus puissant, celui qui a une mission particulière sur la Terre.
Cette mission a été souvent oubliée, elle a été détournée de son sens et de son orientation. D’une manière générale, l’homme estime qu’il a été mis sur Terre par le Bon Dieu ou par toute autre chose et qu’il doit se servir de cette situation pour gagner autant que possible la vie éternelle, une plus grande joie, une plus grande raison d’être de lui-même, comme si toute la création avait été faite pour l’homme afin qu’il puisse tirer avantage de la situation. Et l’on dit que l’homme s’est détourné de ce qui lui a été ainsi offert et qu’il a ainsi amené le malheur dans son existence.
Je crois que cette vision est vraiment par trop simple et qu’elle ne correspond pas à ce qu’on peut voir et à ce qu’on peut comprendre de la vie et de la Réalité Universelle où toutes choses sont intimement solidaires. Il ne semble pas que la Terre ait été faite pour l’homme, il me semble plutôt que l’homme a été fait pour la Vie Universelle.
En reprenant les représentations, les perceptions, les intuitions de toutes les religions du monde, nous verrons qu’il y a tout au fond, d’une part, et à l’extrême limite de ce qui peut être conçu : l’ETRE- mais l’ETRE en tant que JE SUIS QUI SUIS, et non pas en tant que Je Suis celui qui fait quelque chose, c’est le Brahma des Hindous, c’est-à-dire, le Dieu immobile, le Dieu auquel on doit le fait que le monde EST- et d’autre part, à l’autre pôle, nous avons la substance, le matière inerte, la matière qui ne bouge pas, la matière qui n’a pas de vie. Suivant que nous serons spiritualistes ou matérialistes, nous dirons que la vie provient de l’un ou de l’autre : c’est Dieu qui a fait la vie ou c’est la matière – mais visiblement elle vient de l’un et de l’autre ; la vie est la relation qu’il y a entre l’ETRE immobile et la substance inerte. Tout ce qui est mouvement, tout ce qui est relation, tout ce qui est accord et tension entre ces deux pôles est manifestation de dynamisme, d’âme, c’est le « respir » du monde, c’est le mouvement par lequel les choses allant de l’un à l’autre laissent se créer des courants ascendants, descendants, allant à droite, allant à gauche, formant des conjugaisons entre ces courants. Ces conjugaisons ne sont pas là seulement pour ETRE, mais pour accentuer ces mouvements, pour en ajouter d’autres à ceux qui existent déjà, pour former des pôles secondaires, et pour rendre de plus en plus intense la reliance, la relation qu’il y a entre l’ETRE qui n’est pas substance et la substance qui n’est pas l’ETRE, c’est-à-dire entre les deux pôles extrêmes – cette vie entre ces deux pôles extrêmes étant assurée par toutes les formes de vie, les plus élémentaires, les plus simples de la vie cellulaire (qui est déjà extrêmement complexe), les formes les plus élémentaires de vie, de l’atome par exemple, aux formes beaucoup plus complexes qu’est l’être humain.
Ce respir du monde, c’est aussi le respir de l’homme, la vie spir-ituelle – même racine – la vie spirituelle de l’homme et de l’univers.
Il y a donc une Vie spirituelle universelle qui est faite de relations entre des pôles universels et qui est assurée par des formes multiples de vie dont l’être humain, dont l’humanité, est la plus complexe, la plus capable d’assurer des conjugaisons, la plus capable de manifester le caractère vivant de ce qui l’anime, donc de l’âme. Cette œuvre est assurée par tout ce qui vit, par tout ce qui a forme de vie, et parmi ces formes l’homme est supérieur. Il a de plus grandes responsabilités dans ce monde – où il se préoccupe de vie spirituelle pour être sûr d’avoir un peu de tranquillité dans l’au-delà, d’aller au ciel plutôt qu’en enfer – où il se préoccupe de vie spirituelle pour assurer à sa personne une qualité plus grande afin qu’elle soit meilleure parmi les autres qui sont moins bonnes – . Ceci est une déformation très regrettable qui nous empêche de voir ce que nous sommes en réalité et pour quoi nous sommes. Nous sommes pour rendre plus intense, plus variée, plus valable la vie universelle, ou la vie spirituelle, manifestant le dynamisme du monde, le dynamisme de l’univers.
A cet égard, l’homme est très remarquablement construit, et les qualités personnelles qui lui sont propres permettent de constituer un pôle, un pôle personnel, un pôle particulier, grâce auquel il peut manier ces formes universelles et établir, au travers de sa conscience et de son intention, des relations et des relations nouvelles. Chaque homme apporte par ses pensées, par ses sentiments, par ses comportements, par ses actes, quelque chose de nouveau à la vie universelle, et ce nouveau, c’est la liberté qu’il doit assumer. Pour assumer cette liberté il peut obéir aux lois universelles et donc être pleinement ce qu’il doit être.
Un homme qui est producteur, créateur, actif et sain dans ce domaine, Jésus l’a appelé un « vivant ». Celui qui ne produit pas, qui se sert pour lui-même, qui ne fait qu’affirmer sa personnalité et qui ne joue pas un rôle créateur dans la vie universelle, un rôle non seulement matériel mais mental, spirituel, intellectuel, celui qui ne joue pas ce rôle créateur, est un « mort ».
A quelqu’un qui désirait le suivre, l’écouter, le comprendre et qui disait : « Je t’écouterai dans un moment, il faut d’abord que j’aille enterrer mon père », Jésus a répondu : « Laisse les morts enterrer les morts et écoute-moi. » Il y a là l’indication du sens qu’il donne au mot « mort ». On peut être encore vivant matériellement, humainement et personnellement parlant, et mort spirituellement, c’est-à-dire n’être plus capable de produire quelque chose dans la réalisation de la vie spirituelle du monde, parce qu’on a toujours ramené la vie spirituelle à soi. On a pris au monde, on a accumulé, on a bien fermé les portes du coffre et l’on n’est plus capable de rayonner, on est « mort ».
Entre ces vivants et ces morts, il y a les malades : ceux qui n’arrivent pas bien à marcher spirituellement, les paralytiques, ceux qui n’arrivent pas à voir, qui sont aveugles, ceux qui n’arrivent pas à écouter convenablement, qui sont les sourds. Ces malades spirituels ont bénéficié des paroles, de la présence des enseignements de Jésus, et il les a donc guéris. Je ne veux absolument pas dire qu’il n’ait pas pu guérir des aveugles physiques, des sourds physiques et des paralytiques physiques, mais nous parlons de vie spirituelle et je veux spécifier que l’être humain a un devoir d’être en santé pour servir à la vie spirituelle, pour jouer dans la vie spirituelle du monde un rôle issu de ses qualités personnelles propres dont il doit faire usage à cet effet et dans ce sens. S’il ne le comprend pas, ou bien sa pensée est déficiente, ou bien il n’entend pas l’appel spirituel, ou bien il ne voit pas ce qu’il a à faire, ou bien il est trop paresseux pour marcher, il a envie de rester dormir alors qu’en réalité on lui demande d’agir.
Dans ce monde, la raison d’être de l’humanité se trouve bien précisée et par conséquent aussi notre raison d’être personnelle ; nous ne sommes pas ici pour assurer notre salut parce qu’Adam et Eve, à un moment donné, se sont trompés ; nous sommes ici pour accomplir notre salut, c’est à dire notre santé afin d’accomplir dans la vie spirituelle l’œuvre la meilleure possible. Nous avons, à cet effet, la possibilité d’utiliser de notre corps matériel, de la vie mentale, sentimentale, émotive, culturelle, artistique qui permettent de s’exprimer, et de subsister au-delà de la mort physique. Par conséquent, nous avons au-delà de la mort, encore un rôle à jouer. Mais si grand et si solide que soit ce rôle, il est tout de même mortel et toutes ces choses personnelles ont à mourir en leur temps, parce qu’elles sont nées en leur temps.
Il y a donc une vie personnelle qui est marquée essentiellement par une naissance et une mort. Que ce soit le corps physique, le corps mental ou émotif, cela n’a pas d’importance, c’est le fait qui a une importance. Entre cette naissance et cette mort, il y a un rôle à jouer, il y a quelque chose à faire. Ce quelque chose peut être fait dans la mesure où est assurée une reliance avec la Réalité Universelle et c’est ainsi que nous pouvons accomplir notre rôle et donner son sens à notre vie personnelle, ne pas être spirituellement des morts ou des sourds, des aveugles ou des paralytiques. En quelque sorte, la vie du monde a besoin d’hommes aussi sains que possible et lorsqu’ils ne le sont pas, ils ont besoin d’être guéris, non pas pour eux mais afin de servir plus complètement la réalité, l’utilité, la qualité, la valeur de la Vie universelle.
Il nous faut donc rapidement, pour mieux comprendre ce rôle, insister – je le fais – non pour dire ce que nous sommes, mais pour dire ce que nous avons à faire, revoir ce dont nous avons pu parler à propos de reliance. Je prendrai quelques schémas pour m’aider. Je veux simplement souligner que si je parle de reliance, j’en parle de manière assez abstraite dans le sens que j’élimine quantité de choses pour parler d’une seule, afin que l’on comprenne ce que peut être cette reliance-une.
Pour cette reliance-une, le modèle que nous avons pris c’est la reliance verticale.
Vous avez la personnalité, le moi personnel, l’ensemble des données qui vous permettent d’être une personne et de porter un nom qui vous distingue d’une autre personne et d’un autre nom. Cette personne est reliée à autre chose qu’elle-même, à l’Univers. Il y a des reliances très proches qui sont celles du moi personnel avec le SOI intérieur – qui sont simplement les valeurs supérieures de la personne humaine et qui font la qualité de vie de presque tous les hommes, s’ils ne sont pas des animaux.
Et une deuxième forme de reliance, qui situe le SOI par rapport au moi d’une manière assez élevée dans l’univers mais qui n’atteint pas encore le centre de l’ETRE qui est une représentation plus ou moins personnelle, plus ou moins objective de la Réalité Universelle. Cette représentation, c’est celle que nous nous faisons de Dieu : nous plaçons notre Dieu ici, parce qu’ici la reliance est bonne et qu’un Dieu impersonnel, par exemple, à ce niveau, ne peut pas être admis parce que l’homme n’arrive pas à dialoguer.
Cette image de reliance peut vous donner l’impression qu’en réalité l’homme est relié pour se sauver lui-même. Je voudrais tenter de vous faire comprendre que sa reliance donne plus de valeur universelle à sa vie personnelle, et que c’est en vue de cette Valeur Universelle que l’homme se trouve être relié.
LA naissance rend parallèles des courants et des valeurs de forces universelles qui, auparavant, étaient dispersés – un peu comme un appareil optique prend des courants qui viennent de différents centres, de différentes origines et les oriente, par exemple, sur une plaque photographique, dans un appareil optique qui rend les courants parallèles.
Après la mort, ces courants redeviennent divergents et se répartissent, selon leur nature, dans la vie universelle. Mais entre les deux, il y a eu service. Nous sommes divers à la naissance, mais nous avons tous à faire de ces valeurs diverses quelque chose de mieux. Nous avons à donner à notre trésor un certain rendement. Ce trésor et ce rendement se trouvent être ici et à la ligne universelle qui existait sans le rendement s’ajoute ce rendement, et au-delà de la mort, la ligne se trouve modulée à quelque chose de plus que ce qu’elle avait auparavant.
Il y a des courants universels qui peuvent venir au cours de l’existence et je voudrais attirer votre attention sur ce petit schéma, qui est la coupe d’une vie personnelle. Si, entre la naissance et la mort, on prend la coupe à ce niveau et qu’on regarde comment elle se présente, on voit le schéma de la personnalité, c’est-à-dire la limitation extérieure et les différentes lignes de force dont chacun peut être un point occupé par le moi personnel.
De ces moi-personnels, partent des lignes de reliance avec l’univers qui est l’auteur de la personne et ce sont ces lignes de reliance qui modifient le courant de la ligne universelle que forme, compose notre personnalité, d’un point quelconque de notre vie, qui est ce qui vient de notre passé et ce qui va vers l’avenir, pouvant partir des lignes de reliance. Supposons que c’est ma règle – un bout, la naissance, et l’autre la mort. Ici la convergence des lignes de toutes sortes qui viennent de partout – et là la divergence de la mort des lignes de toutes sortes qui viennent de partout – et entre les deux, quelque chose qui a modulé ces lignes, qui a ajouté quelque chose.
Pour que cette adjonction se fasse, il peut y avoir des faits immédiats, ceux de la vie matérielle – mais pour que cette adjonction soit de grande qualité, pour que nous soyons vivants spirituellement, il faut qu’il y ait des reliances tout autour – comme un champ de forces – et ces reliances donnent aux courants qui passent par le moi–personnel une qualité qu’il n’avait pas auparavant.
Pour que le moi ait une plus grande qualité, puisqu’il va diverger, se disperser et se décomposer et pour que le courant, en formant le point présent, soit capable de recevoir quelque chose qui n’existait pas auparavant, il faut qu’il y ait œuvre créatrice. Cette œuvre créatrice n’est pas seulement constituée des objets qu’on va fabriquer, elle est créatrice par une qualité de pensée apportée par un courant de pensée, par exemple. Si nous avons un courant de pensée médiocre, de mésentente, de tristesse, etc. ,nous prions, nous tentons de nous recueillir pour apporter à ce courant de pensée des qualités qu’il n’avait pas auparavant, et il devient plus beau. C’est un apport spirituel fait à la vie universelle et nous sommes capables de faire cela bien mieux que les tortues, les insectes ou les fourmis. Nous avons donc à agir sur ce plan là et notre action mentale est donc quelque chose de très important. Chacune de nos personnalités est appelée à assurer ces reliances.
Dans un schéma, qui est, en quelque sorte, une vision aussi parfaite que possible d’un certain nombre de personnalités convenablement reliées, vous retrouvez ces différentes personnalités séparées les unes des autres, avec chacune une action particulière et une reliance. Si je prends l’action à son maximum de qualité, je prendrai ici des personnes toutes parfaites ; leur reliance va aller jusqu’au JE SUIS Universel et revenir à la personnalité. Vous remarquerez que cette reliance crée, en quelque sorte, ce pôle JE SUIS QUI SUIS, et si vous suivez la ligne d’une personnalité, vous remarquez qu’elle va croiser les lignes de toutes les autres personnalités – où qu’elles soient – celles d’abord, qui sont les plus immédiates et ensuite celles-là et ensuite celles-ci, toutes vont être touchées dans les deux sens du courant, montant et descendant. Et toutes participent au même JE SUIS , bien qu’elles soient séparées les unes des autres – ayant chacune leur-moi personnel, elles ont le même JE SUIS, le même sens – et dans la mesure où elles ont le même JE SUIS, le même sens, elles sont toutes reliées les unes aux autres. C’est-à-dire que si on est relié au Père, on est relié à tous, il y a relation avec l’ensemble des êtres humains, et par conséquent, notre action, notre œuvre – si limitées en apparence – à un moment particulier de notre existence, constituent une œuvre qui se situe dans nos vies personnelles, dans la vie personnelle de nos voisins, dans la vie personnelle de l’humanité, dans la vie terrestre et dans la Vie Universelle.
Ce que nous accomplissons au cours d’une méditation matinale, ce n’est pas simplement une espèce d’enrichissement égoïste de nos personnalités.